Retour, non pas vers le futur, mais vers l’ancien monde ?
Nous restions, lors de notre dernière publication, avec des incertitudes et notamment celle d’une inflation potentiellement durable qui pourrait entrainer un resserrement des politiques monétaires.
La Banque Centrale Américaine comme centre du Monde
A la suite d’un inversement de discours radical de Jérôme Powell, patron de la banque centrale américaine (FED), en novembre, acquiesçant d’une inflation durable, on peut dire que nos anticipations étaient bonnes.
En effet, depuis, la FED a annoncé plusieurs mesures en faveur d’un resserrement de sa politique monétaire, à savoir :
- Plusieurs hausses des taux pour 2022
- La fin des injections de liquidités dans le marché
Une réduction du bilan est même dans « les tuyaux ».
Il faut dire que l’inflation a atteint 7% aux États-Unis à fin décembre !
Dans l’article précédent, nous parlions de la boucle prix-salaire comme marqueur d’une inflation durable si celle-ci s’enclenchait. Aux États-Unis c’est le cas.hés pour cette fin d’année ?
Pendant ce temps-là en Europe…
La situation est différente, et sans doute plus complexe. En effet, contrairement à ce qui se passe outre Atlantique, la dette en Europe n’est pas fédérale, et c’est là le problème. On entend depuis des années qu’il y a en Europe des pays Cigale (dont la France, l’Espagne, l’Italie…) et des pays Fourmis (Allemagne, Pays-bas…), sans que cela n’ait plus d’impact que cela. Mais prochainement, les tensions seront peut-être plus vives.
En effet, la Banque Centrale Européenne (BCE) se retrouve à devoir gérer des pays avec des niveaux d’inflation distincts, (de 5% en Allemagne, de 2,8% en France…) et des niveaux d’endettement eux aussi différents (par exemple, la France 120% du PIB, et l’Allemagne 70% du PIB). Le problème saute aux yeux. Pour combattre l’inflation il faudrait augmenter les taux, mais une augmentation des taux pourrait être dommageable pour les pays très endettés comme la France.
Christine Lagarde, patronne de la BCE, doit donc composer avec cette disparité, espérant, comme certains le prévoient, que l’inflation étant essentiellement due à la hausse des prix de l’énergie se calmera au second semestre 2022. La Présidente de la BCE reste donc pour l’instant sur un statu quo de sa politique monétaire, seul le plan « spécial Covid » devant s’arrêter.
Entretemps, Bruno Le Maire profite de la présidence française de l’UE pour essayer de prôner un assouplissement des règles budgétaires (pour rappel, 3% de déficit et un plafond d’endettement à 60% du PIB !!!) du traité européen qui ont été pourtant à la base de la création de cette union monétaire.
Les taux d’intérêts nominaux remontent
L’ancien monde, disais-je, je parlais de celui des taux positifs et sans doute plus compréhensible pour l’intellect humain, à savoir que la logique veut que si l’on prête de l’argent on attend en contrepartie de recevoir, des intérêts, et non l’inverse (comme l’induisent les taux d’intérêts négatifs…).
C’est ainsi que le taux allemand à 10 ans, c’est-à-dire le taux que l’Allemagne paie lorsqu’elle emprunte de l’argent sur les marchés financiers, référence en Europe pour les marchés, est repassé en territoire positif, certes juste au-dessus de 0, mais en positif tout-de-même.
Pendant ce temps-là, son homologue américain (taux à 10 ans) est passé de 1,50% lors de notre dernière publication, en septembre 2021 à près de 1,90%.
Alors oui, les taux remontent, mais on parle ici des taux nominaux. Si l’on prend en compte l’inflation, celle-ci ayant, comme on l’a dit, augmenté, les taux réels (de façon approximative taux réels = taux nominaux – inflation) sont eux toujours bien négatifs.
Or, les taux réels étant toujours négatifs, la théorie financière voudrait que la valeur des actions n’ait pas de limite à la hausse. Les marchés actions devraient donc continuer de grimper.
Ce n’est pourtant pas ce que l’on voit depuis le début de l’année sur les différents indices boursiers au 24 janvier :
– CAC 40 : – 5,11% – Euro Stoxx 50 : – 5,59%
– S&P 500 : – 10,79% – Nasdaq : – 15,25%
Alors pourquoi cette baisse des marchés, alors que nous expliquions juste auparavant que la valeur théorique d’une action dans un environnement de taux réels négatifs n’a pas de limite à la hausse ?
Un des éléments de réponse réside dans le fait que les marchés financiers sont sans cesse dans l’anticipation.
Ainsi, dans la situation actuelle, les marchés ne regardent pas ces taux d’intérêt réels, à l’instant où l’on parle, mais la dynamique en cours : celle qui montre que les taux remontent et que, à moyen terme, l’inflation devrait se stabiliser puis baisser, les taux d’intérêts réels pouvant alors redevenir positifs, comme dans l’ancien monde. Ce qui devrait entrainer une baisse des actions.
Bien évidemment, et comme d’habitude, il existe tout un tas de sujets qui gravitent autour de ces évènements fondamentaux et qui participent eux aussi à une ambiance morose sur les marchés financiers.
En premier lieu, la Covid-19. Les marchés ne montraient pas de signes d’inquiétudes outre mesure face à ce variant Omicron qui certes semble être l’un sinon le plus contagieux, mais qui semble aussi être l’un des moins dangereux.
Ensuite, les tensions entre l’Ukraine et la Russie, avec l’annonce des Etats-Unis et du Royaume-Uni d’évacuer leur personnel diplomatique. Il faudra surveiller l’évolution des évènements qui pourraient s’aggraver.
Les prix de l’énergie, et notamment celui du baril de pétrole qui se rapproche des 100 USD, (voilà, là encore, un signe du passé), mais aussi celui du gaz ou de l’électricité qui pourraient entrainer des coûts supplémentaires pour les entreprises mais aussi pour les ménages, réduisant ainsi les marges pour les uns et la capacité de consommation pour les autres.
Enfin la Chine. Lors de notre dernier point, nous parlions d’Evergrande, ce géant de l’immobilier surendetté. Le secteur de l’immobilier, qui représente un secteur économique chinois important, est grandement touché. La Banque Centrale Chinoise, à l’heure où les autres banques centrales mondiales resserrent leur politique monétaire, décide de baisser ses taux afin de soutenir son économie et d’éviter la récession. Récession et Chine, voilà une combinaison de mots qui semblait impensable il n’y a pas si longtemps.
De plus, Omicron est arrivé en Chine et à l’approche des JO de Pékin, le gouvernement souhaite une politique zéro Covid et se montre très ferme dans son application. Ainsi il pourrait être à craindre un ralentissement de la production en Chine, ce qui par ricochet pourrait toucher le reste du monde.
Un peu d’optimisme
Malgré l’ensemble de ces éléments, la croissance mondiale prévue pour 2022 est certes en baisse par rapport à celle de 2021, qui a bénéficié d’un « effet rebond », mais devrait tout de même s’établir à 4,1%.
Les indicateurs macro-économiques ne sont pas non plus catastrophiques et par exemple, un des indicateurs regardé, l’indice de confiance des consommateurs américains de janvier est ressorti certes en baisse par rapport à décembre mais au-dessus des attentes.
Alors quoi faire ?
Pour les portefeuilles pleinement investis, prendre un instrument de couverture jouant la baisse semble opportun. Pour les portefeuilles sous-investis par rapport à leur profil de risque, il faut surveiller les marchés car en cas d’une baisse supplémentaire, cela pourrait représenter des points d’entrées intéressants pour des investisseurs de moyen-long terme.